Ils l’ont fait : un habitat coopératif et écologique
Un immeuble isolé en paille, pour et par les habitants, ouvert sur le quartier : ils l’ont fait, à Vaulx en Velin. (La région avait juste donné un coup de pouce).
C’était une utopie mais ils y croyaient dur comme fer : construire un petit immeuble en paille, une coopérative d’habitants (habitat autogéré, qui ne serait jamais speculatif), ouvert notamment aux ménages relevant des plafonds HLM et ouvert sur le quartier, pour retraités : façon de pouvoir s’entraider en vieillissant, et de mutualiser certains services dans l’avenir. Ils l’ont fait à Vaulx en Velin.La région Rhône Alpes (dont j’étais Vice présidente) a juste donné un coup de pouce. Des écoliers du quartier, un lycée, ont suivi l’évolution des travaux avec intérêt.
voici leur expérience :
https://rfcp.fr/chamarel-un-habitat-cooperatif-et-ecologique-pour-retraites
[En savoir plus sur ce site :
ce que permet la loi http://www.vertsregion.org/spip.php?article1234
7 echanges et ateliers http://www.orhl.org/Contenu-de-l-atelier.html]
Telecharger la presentation diaporama de Chamarel en bas de page.
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Par Hélios Lopez et Jean Sintes
Architectes : ARKETYPE Studio www.arketypestudio.fr
Isolation paille : Bati Nature www.bati-nature.fr
Chiffres clés
Nombre d’appartement : 16
Surface : 1217 m2
Coût des travaux : 1 500 000 € HT
Coût du m2 : 1 225 € HT
Durée des travaux : 22 mois effectifs
Voir la présentation détaillée
Vaulx-en-Velin : Chamarel Les Barges, la 1ère coopérative d’habitants pour retraités dont l’immeuble est en isolation paille.
Nous souhaitions un bâtiment durable/écologique mais rentrant dans notre budget.
Si le projet Chamarel a démarré sur la recherche du bien vieillir ensemble, rapidement se sont posées d’autres questions : Mais de quelle manière ? Dans quel milieu et environnement ?
Les personnes qui se sont associées autour de notre projet se sont situées rapidement au croisement de six valeurs.
L’autogestion. Prendre les décisions concernant la construction et notre vie future de manière collective et consensuelle à l’aide de l’outil de fonctionnement qu’est l’autogestion et donc le choix de la coopérative d’habitants.
L’écologie. Ce qui impliquait de vivre dans un lieu le plus sain possible et de bâtir le plus écologiquement possible pour avoir le moins d’impact sur le milieu ambiant en terme de pollution.
La lutte contre la spéculation immobilière. Ce qui nous à conduit à nous diriger vers Habicoop 1 et vers la construction durable.
La citoyenneté. Aménagement du lieu pour qu’il soit ouvert, disponible à d’autres groupes et pour poursuivre notre participation à la vie locale sur tous les plans (associatif, culturel, etc).
Le respect de la vie personnelle. Articulation maîtrisée entre la vie personnelle et le collectif dans le respect de la laïcité.
L’éducation populaire. S’engager auprès de jeunes (écoles primaires, lycées, étudiants….) pour faire savoir que d’autres voies sont possibles.
Très rapidement nous avons ressenti le besoin de nous informer et de nous former sur la double problématique du vieillissement et des coopératives d’habitants…
Nous nous sommes formés avec Habicoop, et avons participé et animé des conférences, visité des expériences… Nous avons également organisé avec les Boboyaka (coopérative d’habitants pour personnes vieillissantes de Bègles) des réunions de travail en commun pour approfondir collectivement notre connaissance du vieillissement ainsi que deux rencontres nationales de « bandes de vieux » sur le thème « Vieillir-ensemble-mieux-et-autrement » 2.
La base d’un bâtiment écologique est l’enveloppe du bâti
Dans la même lignée, nous avons eu le besoin de nous former sur le bâti écologique.
Nous sentions la nécessité de nous former sur ces questions, pour éviter que nos futurs techniciens du bâti nous imposent leurs points de vue. C’est grâce à une subvention du Conseil Régional R-A, obtenue à la suite d’une rencontre avec Marie-Odile Novelli (écologiste, 3ème Vice-présidente de la Région R-A, déléguée au logement, à la politique de la ville et aux solidarités), son service et Armand Creus (élu régional Front de Gauche/Ensemble), que nous avons pu concrétiser ce souhait. C’est en partenariat avec l’association Oïkos (Référent filière paille en AURA), que nous avons mis sur pied une formation pour nos adhérents. Le but de cette formation n’était pas de devenir des techniciens du bâtiment, mais de comprendre les logiques pour pouvoir peser sur les décisions techniques. Très rapidement, malgré la rudesse des propos, nous avons compris qu’il n’existe pas une solution, mais des solutions avec des avantages et des inconvénients ; que la base d’un bâtiment écologique est l’enveloppe (l’isolation) du bâti, son orientation et le réel savoir-faire des professionnels.
Des charges locatives très faibles pour un grand confort : seulement 14€ par mois (3)
Nous avons poursuivi cette formation en abonnant notre association à des revues et en participant à des conférences et visites de chantier. Le plus impressionnant pour nous a été la visite du HLM de Saint Dié des Vosges construit par le bailleur « Le Toit Vosgien » : un R+7 en isolation paille, le plus haut d’Europe. « Le Toit Vosgien » a une formidable expérience de ce genre de bâti de plus de 6 ans. Ce qui permet à ses locataires de payer des charges locatives très faibles pour un grand confort : seulement 14€ par mois (chauffage, eau chaude, ventilation, entretien).
Nous souhaitions un bâtiment durable/écologique mais rentrant dans notre budget. Les architectes devaient faire preuve d’une aptitude d’écoute avec des personnes exigeantes et novices dans le bâtiment, mais dotées d’une capacité de travail collectif et d’une certaine expérience avec des professionnels de la construction durable/écologique.
Très rapidement le choix se porta sur le cabinet d’architecte ARKETYPE et nous ne l’avons pas regretté.
Le travail fut intense, mais serein, du pré-programme au dépôt du permis de construire.
L’opération comprend un immeuble R+4, avec :
Aux étages, 14 T2 de 46m2, 2 T3 de 63m2, 2 chambres d’amis, plus des coursives.
Au rez-de-chaussée, une salle commune, un atelier, une pièce bien-être, une buanderie, un bureau, un local vélo, une cave, la chaufferie et le local poubelle.
Sur le terrain restant, un parking sur la partie nord (dont une partie est en noyaux de pêches), et au sud, jardin et pré pour les activités de loisirs.
Au fur et à mesure de la programmation, nos choix fondamentaux furent maintenus : isolation paille dans la majorité du bâti, appartements traversants, lumière naturelle dans toutes les pièces et dans l’escalier pour inciter à l’emprunter, façade principale au sud, coursives fermées au nord, adaptation possible au handicap, 14 appartements PLS (prêt locatif social) et 2 appartements « libres ».
Pour la paille et l’enduit terre, c’est mieux que nous l’avions imaginé
L’ossature porteuse est en béton et les murs de pourtours en ossature bois et bottes de paille (80% environ soit presque 1000 bottes de paille) enduites à l’intérieur d’un enduit argile/sable (l’argile provenant du chantier).
Pour la paille et l’enduit terre, c’est mieux que nous l’avions imaginé, cela est lié à notre coopérative autogestionnaire.
L’isolation phonique de notre isolation paille est une source de bien-être
Nous avons commencé à emménager le 14 juillet 2017 et nous avons trouvé nos marques dans notre propriété collective, ainsi qu’avec une partie des voisins de notre nouveau quartier.
De l’avis de toutes et tous 4, nous nous trouvons bien, l’isolation phonique de notre isolation paille est une source de bien-être ; les relations humaines, notre organisation en autogestion et notre solidarité mutuelle sont un plus.
Notre utopie devenue réalité et la réaction des personnes à cette réalité, nous poussent à faire visiter notre immeuble quelques jours après l’inauguration de notre coopérative 5. Nous avons été invité à animer une conférence à l’École Nationale des Travaux Publics (à Vaulx-en-Velin) où cent édutiant.e.s de celle-ci et de l’école d’archi voisine étaient présent. Les questions de ces étudiants étaient pertinentes et pour nous, c’est l’espoir en l’avenir qui appartient à la jeunesse.
La SAS Chamarel-Les Barges a obtenu le trophée Ernest Zuber de l’APAVE
Comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, le 16 octobre 2017, la SAS Chamarel-Les Barges a obtenu le trophée Ernest Zuber de l’APAVE dans la catégorie « Solidarité et développement durable ». Une reconnaissance de la profession que nous partageons avec celles et ceux qui ont ouvert la voie à l’isolation paille.
Nos partenaires sont la CARSAT (Sécurité Sociale), la MGEN et AG2R, la Région R-A, le Grand-Lyon Métropole, la ville de Vaulx-en-Velin et Est Métropole Habitat.
Notes de fin (6)
Pour construire notre projet, il nous a fallu prendre :
– Le temps de la réflexion, de l’écoute mutuelle entre nous et en dehors de nos modèles de référence.
– Multiplier les rencontres, tout en essayant de comprendre les divers « mondes » que nous approchions et dont nous ignorions le fonctionnement (domaines juridiques, financiers, techniques…)
– Avoir beaucoup de ténacité et une certaine ouverture d’esprit, faire appel à nos propres expériences pour convaincre en dépassant et en contournant les obstacles, les lourdeurs bureaucratiques, les incompréhensions, la langue de bois de certains politiques, ou autres, car « tout » était à réaliser…
Ce qui est remarquable, c’est qu’à chaque étape nous avons rencontré nombre de personnes ouvertes, compréhensives et d’un grand professionnalisme, nous apportant une aide précieuse pour avancer dans la réalisation de notre projet, mais aussi pour ne pas désespérer du monde qui nous entoure.
1 HABICOOP, aujourd’hui devenu d’une part HABICOOP-AURA (Auvergne-Rhône-Alpes) pour aider les futures coopératives à se construire grâce à un accompagnement technique, juridique et financier et d’autre part, la Fédération Françaises des Coopératives d’Habitants pour que le modèle des Coopératives d’Habitants s’étende en nombre et en influence.
2 Les rencontres nationales du Vieillir-ensemble-mieux-et-autrement
3 HLM bois et paille : une première dans les Vosges
Performances d’un bâtiment bois 8 niveaux, labellisé PassivHaus
4 Sur 17 habitants actuels, 13 femmes et 4 hommes. Nous avons un T2 encore disponible.
5 J’ai rencontré des Chamarel heureux !
Un habitat coopératif et écologique pour retraités
6 Extrait du livre numérique « Autogestion. L’Encyclopédie internationale », éditions Syllepse.
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