POLITIQUE REGIONALE des entreprises à l’international

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Intervention sur la politique régionale en faveur du développement des entreprises à l’international- Intervention de A. Coulombel, conseiller regional écologiste, agrégé d’économie

Par Alain Coulombel

Intervention sur la politique régionale en faveur du développement des entreprises à l’international

Mesdames et Messieurs,

Dans ce débat qui nous occupe aujourd’hui concernant « la politique régionale en faveur du développement des entreprises à l’international », notre groupe a fait le choix de faire entendre dans cet hémicycle une autre voix que celle qui s’exprime très largement dans les médias, dans les formations politiques (de droite comme de gauche), dans les grandes institutions internationales, comme au sein de notre collectivité. Combien de fois, Mesdames et Messieurs, en lisant le document distribué par la région, en parcourant ses objectifs, combien de fois me suis-je demandé - mais quelles étaient encore les différences entre les propositions d’une droite libérale et d’une gauche qui se dit pragmatique mais qui concrètement dans ses orientations renforce la doxa libérale.

Ce méta-discours économique, qu’un philosophe comme J.Habermas qualifiait de nouvelle théologie, repose sur quelques principes simples : pression concurrentielle, dérégulation et déréglementation, rayonnement international, métropolisation des territoires, recherche de compétitivité. Est-ce cela le discours d’émancipation, de solidarité et de partage que nous devrions tenir, nous qui nous réclamons des idéaux de la gauche ? Pas même un mot sur notre politique de coopération et de solidarités à l’international sinon pour évoquer le concept de diplomatie économique qui n’est finalement qu’un habillage tourné vers le seul business au détriment des territoires les plus fragiles, de l’agriculture vivrière ou des projets locaux.Quand Bernard Soulage affirme tout à l’heure qu’il ne voyait aucune différence entre les sociétés du CAC 40 et une coopérative ou une ONG engagée dans la coopération, j’ai cru rêver.

Vous l’aurez compris, Mesdames et Messieurs, les écologistes ne croient pas au socialisme de l’offre, à cette philosophie du combat et de la surenchère où chaque région du monde entrerait en concurrence (que dis-je dans une guerre à l’extérieur, c’est l’expression employée par Jean Louis Gagnaire) avec le reste de la planète.

Nous voudrions ici vous convaincre que la fameuse croissance des pays émergents est une croissance de rattrapage, qui par nature ne peut être que transitoire et exceptionnelle (comme l’a été celle de l’Europe entre 1950 et 1970). Observons, par exemple, les performances économiques de nos fameux BRIC :

- Brésil à peine plus de 2% de croissance en 2013
- Russie à peine plus de 1,4% croissance en 2013
- Inde avec une croissance en 2012/2013 de 5% (l’un des plus mauvais résultats depuis 10 ans)
- Enfin la Chine, dont la puissance d’attraction semble nous fasciner, et qui voit son taux de croissance se stabiliser autour de 7% (après plusieurs années de croissance à 2 chiffres) et qui à terme devrait se rapprocher des standards européens, soit une croissance proche de zéro.Il faudrait ajouter à cela, la corruption, la pauvreté, les inégalités qui se renforcent ou encore la montée des tensions géopolitiques sur fond de guerre pour les matières premières ou pour l’énergie.

Comme pour la croissance, le thème de l’entreprise exportatrice (ou du rayonnement international de la région) est de l’ordre de l’incantation ou de la potion magique censée résoudre, le chômage, l’endettement, le mal vivre, les inégalités sociales.etc.etc.Il ne fait, dans la réalité, que renforcer le poids des multinationales, de l’affairisme mondial et du capitalisme financier.

Si nous ne sommes pas, Mesdames et Messieurs, des partisans du repli ou des égoïsmes nationaux, nous ne nous reconnaissons pas pour autant dans la mondialisation actuelle, inégale, brutale, reposant sur la prédation et le pillage de la planète, reposant sur l’esclavage ou le travail des enfants comme à Doha, Dubaï, la Chine ou encore l’Inde.

Nos convictions reposent, quant à elles, sur ces valeurs qui font si souvent sourire la droite et l’extrême droite en commission « Europe et solidarités internationales » et qui sont celles de la citoyenneté mondiale et de la culture de paix. Nous revendiquons l’application de critères éthiques vis-à-vis des pays de destination (droits sociaux, égalité femme/homme ou encore bannissement des paradis fiscaux.).

Faire de l’attractivité du territoire ou de l’exportation des entreprises rhônalpines (petites ou grandes), un objectif prioritaire - voire exclusif -de nos politiques, sans jamais se soucier des contenus exportés, sans se préoccuper des conséquences climatiques de cette circumnavigation planétaire, sans évaluation sur l’évolution de l’emploi et de leur qualité, TOUT CELA est suicidaire et ne fait pas sens aux yeux de nos concitoyens.

Nous regrettons que l’Etat et les collectivités territoriales soient aujourd’hui au service exclusif du seul discours économique et son théorème de l’équivalence générale :
Tout se vaut, tout s’échange, tout est susceptible de devenir l’objet d’une appropriation marchande - une oeuvre d’art, un paysage, ou des biens communs comme l’eau, l’air, la santé.Jusqu’à l’industrialisation du vivant que nous retrouvons, par exemple, dans le projet délirant de la ferme usine des Mille Vaches dans la Somme.

Les écologistes ne sont pas opposés par principe au développement économique international, mais nous considérons que la politique régionale doit privilégier plus fortement encore les acteurs économiques les plus fragiles, moins à même d’accéder aux marchés internationaux (TPE, artisans, petites entreprises culturelles.). Nos propositions sont connues : reconquête des marchés de proximité, la critérisation de nos subventions.Nous attendons plus de transparence et d’efficacité dans l’usage de l’argent public (en particulier sur le dossier ERAI). Evitons les dépenses somptuaires comme la participation à des conventions d’affaires, les missions à l’international (comme en Israël ou en Chine) ou encore la participation à des salons dont on n’évalue jamais les impacts en matière de création d’emploi, de délocalisation et/ou de restructuration.

Pour conclure, faire du développement à l’international, une dimension structurante de notre politique économique régionale (comme indiqué dans le document de la région) – sans jamais s’interroger sur les finalités de celle-ci –
- c’est s’exposer à la multiplication d’accords dits de libre échange comme le traité transatlantique ;
- c’est faire du capitalisme financier et du court-termisme, l’horizon indépassable de nos politiques ;
- c’est encore se laisser fasciner par le vertige de la puissance ;
- c’est enfin s’empêcher toute réflexion sur la nécessité d’un autre modèle de développement au service d’un nouvel art de vivre dont Patrick Viveret énonçait, ici même, l’an dernier, les principes : attention à autrui, simplicité et sobriété volontaire, refus de la violence, éloge de la lenteur et de la fragilité, de l’émancipation et de l’autonomie.
Il serait temps que ces principes fondamentaux cessent de faire sourire. Pour notre part, Ils nourrissent notre engagement et la singularité de notre message. Notre utopie, en somme.
Quand nos sociétés crèvent d’un manque de sens, quand nos concitoyens se détournent du politique, nous croyons qu’il est urgent de penser autrement l’action régionale et de se donner d’autres objectifs que la croissance et la concurrence de tous contre tous.