Il y a finalement un accord Cancun...

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Il y a finalement un accord Cancun...

Cancun : "La solution climatique est ailleurs, "titrait médiapart le mois dernier.

Il y a finalement un accord, à Cancun : qui s’engage peu…RDV en Mai Prochain.

(Par médiapart)

Un accord à Cancún !

C’est en pleine nuit mexicaine que les représentants de près de 200 pays ont adopté deux textes (des groupes de travail sur le protocole de Kyoto, voir ici, et sur la convention sur le climat, voir ici) qui jettent les bases d’un nouveau cycle pour la diplomatie du climat. Cet « accord de Cancún », inespéré au vu de la montée des tensions entre les divers protagonistes tout au long des douze jours du sommet onusien, ne contient rien en soi d’historique : aucun des désaccords qui déchirent la communauté internationale depuis le fiasco de Copenhague de décembre 2009 n’y est résolu. Mais il parvient avec une grande habileté à créer un cadre commun d’action à peu près consensuel puisque seule la Bolivie, par la voix de son flamboyant représentant Pablo Solon, s’y est opposée.

Sur le devenir du protocole de Kyoto, principal sujet de discorde entre pays industrialisés et en développement, l’accord de Cancún ne se prononce pas... directement. Il ne demande pas aux pays riches de prolonger après 2012 – date d’expiration de l’actuelle période d’engagement de l’accord international adopté au Japon en 1997 – leur obligation de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre sans choisir eux-mêmes l’ampleur de l’effort à fournir. L’accord de Cancún entérine ainsi le tournant qu’avait amorcé l’accord de Copenhague : désormais, les pays riches choisissent eux-mêmes leurs objectifs de diminution de rejets de CO2. Auparavant, ils devaient se soumettre à des contraintes imposées par l’ONU. C’est ce système que le Japon et la Russie ont vigoureusement rejeté ces derniers jours. Les documents adoptés ouvrent aussi la voie à la contribution des grands émergents (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud) à l’effort collectif puisqu’il y est écrit que les pays en développement devront eux aussi diminuer leurs rejets de dioxyde de carbone.

Mais la formulation du texte est maligne. Et comme l’a souligné le président mexicain, Felipe Calderon, venu au milieu de la nuit dans l’enceinte onusienne pour saluer la conclusion du nouvel accord : rien n’empêche, dans les deux textes adoptés, que le protocole de Kyoto continue. Il n’y est pas formellement mis fin. Mais rien non plus ne dit qu’il se prolongera. Dans les faits, chacun sait aujourd’hui qu’il n’existera pas de deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto. Seule l’Union européenne (avec des conditions), la Grande-Bretagne et la France en ont officiellement accepté le principe. Quant aux objectifs de baisse des émissions de carbone que les pays riches vont proposer, ils devront être discutés en 2011. Un plafond chiffré est posé : ils devront réduire de 25 à 40% leurs rejets de CO2, par rapport à 1990, dans les dix ans qui viennent. 


• Nouveau leadership du Sud

• Mais le texte du groupe de travail de la convention met néanmoins sous pression les pays développés, en insistant à plusieurs reprises sur la nécessité de réviser ces objectifs à la hausse pour qu’ils restent conformes à la science. Là encore, la formulation est habile : nombreux sont aujourd’hui les rapports d’experts, à commencer par ceux de l’ONU (voir ici), qui s’inquiètent du décalage béant entre le niveau d’effort indispensable pour maintenir la hausse des températures mondiales sous 2 °C, et la réalité des
politiques engagées par les Etats.
• L’accord de Cancún ne se contente pas de répéter celui de Copenhague. Il y ajoute la création d’un « fonds vert » destiné à organiser l’aide des Etats riches vers les pauvres pour s’adapter aux effets du changement climatique, se développer en émettant le moins possible de CO2, et réduire les émissions mondiales. C’est une avancée, de même que l’esquisse de sa gouvernance : à parité entre pays industrialisés et en développement. La Banque mondiale en sera l’animatrice, mais uniquement de façon provisoire. C’était un sujet de clivage entre les uns et les autres. Autres progrès : sur les transferts de technologies, et l’amorce de dispositifs de lutte contre la déforestation, première cause mondiale d’émissions de carbone. C’est l’un des rares volets de la négociation climatique qui semble avoir réellement progressé ces dernières années.

• L’annonce de l’acceptation des deux textes composant l’accord de Cancún à la quasi-unanimité a valu à la ministre mexicaine des affaires étrangères, Patricia Espinosa, des torrents d’applaudissements et une standing ovation. Le Mexique a réussi ce que le Danemark avait totalement raté l’année dernière. Ce succès entérine le rôle croissant des grands pays émergents dans l’arène diplomatique. Ce que n’a pas manqué de noter publiquement Dessima Williams, ambassadrice charismatique des Barbades et représentante des petits Etats insulaires : « C’est une nouvelle ère de leadership pour le Sud. »

Seuls les Boliviens se sont opposés à l’accord, empruntant des accents tragiques : « c’est un jour funeste », « un attentat ». Mais la présidence mexicaine n’a rien voulu concéder au pays andin : « Le consensus n’est pas l’unanimité », « ni un droit de veto » : « le texte reste approuvé », « la décision de la conférence est prise ». Les Etats-Unis se sont réjouis du dénouement. Ainsi que le ministre de l’environnement indien, Jairam Ramesh : « Vous avez restauré la confiance de la communauté internationale dans le multilat
éralisme. » 
C’est au nom d’une double urgence, maintes fois invoquée par les Etats, que le 16e sommet de l’ONU sur le climat est parvenu à cet accord réel mais a minima : l’impérieuse nécessité de sauver le multilatéralisme, et l’indispensable réaction aux manifestations déjà visibles du changement climatique. Ce qui fait dire au Réseau action climat, regroupement d’ONG écologistes françaises : « L’ONU retrouve des couleurs, mais le
climat devra attendre. »
Prochaine échéance : le sommet de Durban, en Afrique du
Sud, fin 2011.
• Retrouver tous les billets de nos blogueurs présents à Cancún : l’édition Allo Cancún ici la planète, et Justice climatique : Cancún et la Cop16 au microscope.
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