La solution climatique est ailleurs (Mediapart)

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Cancún : la solution climatique est ailleurs (Mediapart)

Médiapart


Cancún : la solution climatique est ailleurs


En bout de course

Au-delà de l’arène diplomatique, c’est le climat comme cause commune mondiale qui se trouve mal en point. Tout un système de pensées et d’actions apparaît aujourd’hui en bout de course. De quoi s’agit-il ? Depuis une vingtaine d’années au moins, le climat a été progressivement construit comme objet politique. La création du groupe intergouvemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) en 1988, le sommet de la Terre de Rio et la convention de l’ONU sur le climat en 1992, la signature du protocole de Kyoto en 1997, puis le prix Nobel de la paix décerné à Al Gore et au Giec en 2007, et les campagnes des ONG autour de l’urgence climatique en amont du sommet de Copenhague, ont fabriqué le climat comme cause commune de l’humanité. Parler de fabrication ne veut pas dire manipulation : cette construction politique fut et demeure légitime.

Action anti Total de militants du Camp action climat, près du Havre, été 2010.

Petit à petit, le réchauffement de la planète est devenu source de préoccupations, de savoirs, de controverses. Une coproduction entre scientifiques constatant les risques que l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre fait courir à l’écosystème, dirigeants politiques appelés à agir préventivement et sociétés civiles observant les premiers effets du dérèglement des températures.
Cette élaboration collective a généré un système de régulation, fondé sur des principes généreux et rigoureux : bien commun menacé, le climat doit être protégé sur la base d’un consensus international, multilatéral, et en accord avec les savoirs scientifiques. Par souci d’équité, les pays développés doivent assumer leur responsabilité historique dans le dérèglement climatique et aider les Etats pauvres à s’adapter et trouver d’autres voies de développement. 

C’est cette architecture complexe qui tremble aujourd’hui de toutes parts. Pour plusieurs raisons :

•  L’échec du monde à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Pour que le climat ne se réchauffe pas de plus de 2°C, il faudrait qu’en 2020 l’atmosphère ne contienne pas plus de 44 milliards de tonnes d’équivalent CO2. Si tous les pays respectent leurs engagements les plus ambitieux de l’accord de Copenhague – scénario aujourd’hui improbable –, il y aura encore 5 milliards de tonnes de trop dans l’air, explique Emmanuel Guérin, de l’Iddri. Si les Etats se contentent de leurs objectifs les plus souples, il y aura 9 milliards de tonnes de trop. « Cette différence n’est pas l’épaisseur d’un trait, analyse le chercheur, passer de l’un à l’autre nécessite un effort considérable. » Pour bien des experts, la planète est sur la voie d’une hausse des températures d’au moins 3°C. De nombreux rapports et études ces derniers mois documentent cette inquiétante évolution des températures : à lire ici, ici, ici et encore ici.

• L’incapacité à mettre en place les outils économiques adéquats. « Le système du protocole de Kyoto ne marche pas, ne marchera pas », peste un économiste du climat. Ce système consiste à limiter les émissions de gaz carbonique des Etats en leur accordant un stock de quotas, au-delà duquel ils doivent payer leur surplus de CO2. A ce jour, seule l’Union européenne a créé un marché du carbone, sur le modèle du marché américain du soufre. Ses résultats sont largement critiqués (voir ici, ici, ici et ici).

Depuis une quinzaine d’années, les économistes travaillent donc sur l’hypothèse d’un prix unique du carbone, créé par un marché mondial du CO2. Or ce scénario est désormais considéré caduc : « Mettre un prix unique du carbone pour sauver la planète en 2100... les vrais drivers de la politique ne sont pas là, ce sont le taux de chômage dans six mois, le niveau de dette publique en Irlande... », analyse Christian de Perthuis, l’un des spécialistes français de l’économie du carbone, qui poursuit : « La vision classique des coûts et des bénéfices du climat est encore utile mais il faut la compléter. Ce discours passe de moins en moins auprès des décideurs. » L’échec de la conférence de Copenhague a sonné le glas du projet de marché mondial unique du CO2.

C’est cette architecture complexe qui tremble aujourd’hui de toutes parts. Pour plusieurs raisons :

•  L’échec du monde à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Pour que le climat ne se réchauffe pas de plus de 2°C, il faudrait qu’en 2020 l’atmosphère ne contienne pas plus de 44 milliards de tonnes d’équivalent CO2. Si tous les pays respectent leurs engagements les plus ambitieux de l’accord de Copenhague – scénario aujourd’hui improbable –, il y aura encore 5 milliards de tonnes de trop dans l’air, explique Emmanuel Guérin, de l’Iddri. Si les Etats se contentent de leurs objectifs les plus souples, il y aura 9 milliards de tonnes de trop. « Cette différence n’est pas l’épaisseur d’un trait, analyse le chercheur, passer de l’un à l’autre nécessite un effort considérable. » Pour bien des experts, la planète est sur la voie d’une hausse des températures d’au moins 3°C. De nombreux rapports et études ces derniers mois documentent cette inquiétante évolution des températures : à lire ici, ici, ici et encore ici.
• L’incapacité à mettre en place les outils économiques adéquats. « Le système du protocole de Kyoto ne marche pas, ne marchera pas », peste un économiste du climat. Ce système consiste à limiter les émissions de gaz carbonique des Etats en leur accordant un stock de quotas, au-delà duquel ils doivent payer leur surplus de CO2. A ce jour, seule l’Union européenne a créé un marché du carbone, sur le modèle du marché américain du soufre. Ses résultats sont largement critiqués (voir ici, ici, ici et ici).
Depuis une quinzaine d’années, les économistes travaillent donc sur l’hypothèse d’un prix unique du carbone, créé par un marché mondial du CO2. Or ce scénario est désormais considéré caduc : « Mettre un prix unique du carbone pour sauver la planète en 2100... les vrais drivers de la politique ne sont pas là, ce sont le taux de chômage dans six mois, le niveau de dette publique en Irlande... », analyse Christian de Perthuis, l’un des spécialistes français de l’économie du carbone, qui poursuit : « La vision classique des coûts et des bénéfices du climat est encore utile mais il faut la compléter. Ce discours passe de moins en moins auprès des décideurs. » L’échec de la conférence de Copenhague a sonné le glas du projet de marché mondial unique du CO2.


◦  L’affaiblissement du principe de solidarité planétaire.

• Le sociologue Daniel Boy vient de conduire une étude de l’opinion française pour l’Ademe sur les effets de l’échec de Copenhague sur le grand public. En 2007, année du lancement du Grenelle de l’environnement et du Nobel de la paix à Al Gore et au Giec, le réchauffement climatique était le problème environnemental le plus préoccupant pour 33% des personnes interrogées. En septembre 2010, elles ne sont plus que 19% à le penser. En 2010, elles estiment en majorité que le réchauffement est causé par l’homme, mais ne sont plus que 65% à le penser, alors qu’en 2009 elles étaient 81%. Et cette année, pour la première fois depuis 2000, le nombre d’individus souhaitant limiter la vitesse des voitures et interdire les 4×4 est en baisse. C’est dans le milieu universitaire que la perte de croyance en l’origine anthropique du changement climatique est la plus forte.

« Pendant que les négociations continuent, les émissions ne cessent d’augmenter, constate Brice Lalonde, ambassadeur de la France pour le climat, l’opinion publique pourrait se demander à quoi ça sert tout ça ? » L’exemple français semble se reproduire ailleurs dans le monde. L’internationalisme généreux et pro actif du sommet de la Terre de Rio est mité par la protection des intérêts nationaux et individuels. 




◦ Enfin et surtout, le constat que les sociétés humaines ne mettent pas en œuvre les changements nécessaires.

• « Nous sommes tous des climato-sceptiques », lance provocateur l’Australien Clive Hamilton, parce que nous avons délibérément ignoré toutes les alertes naturelles. Ce n’est pas qu’un problème de déni climatique. Existent des lobbies et des courants politiques qui veulent nier la réalité du réchauffement (voir ici et ici). Mais au-delà de ces cercles restreints, le décalage est patent entre la somme de savoirs scientifiques sur le risque climatique et le manque de réaction des Etats et des individus. Pourquoi ne croyons-nous pas ce que nous savons, demandait Jean-Pierre Dupuy en 2004 dans son livre Pour un catastrophisme éclairé ? « Pourquoi n’y a-t-il pas de prise de la Bastille à cause de la destruction de l’environnement qui menace l’humanité, pourquoi pas un Octobre rouge de l’écologie ? », lui fait aujourd’hui écho le sociologue allemand Ulrich Beck (dans un article de la revue Theory, Culture and society).

Il y a un problème de discours, pointent Ted Nordhaus et Michael Shellenberger, conseillers en stratégies environnementales : dans leur livre Break Through, ils comparent le discours de Tony Blair à Davos en 2005, prônant de joindre lutte contre la pauvreté et contre le changement climatique, à celui que Winston Churchill prononce soixante ans plus tôt sur les « Etats-Unis d’Europe ». Le premier est technique, pointilleux, sur la défensive. Le second est porté par une vision du futur, un élan, et en appelle à l’effort collectif au service d’un idéal de paix. Pour les auteurs, l’ancien premier ministre britannique a été victime de la « politique des limites » qui ne se pense qu’à travers l’injonction à la contrainte et les interdictions. A l’inverse, ils prônent la « politique des possibles », celle des grands projets, des grandes inventions. 

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