Banlieues : Violences urbaines

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

DEBAT DE POLITIQUE GENERALE AU SUJET DE LA SITUATION DANS LES QUARTIERS EN DIFFICULTES - groupe les Verts-

ASSEMBLEE PLENIERE

jeudi 10 novembre 2005

DEBAT DE POLITIQUE GENERALE
AU SUJET DE LA SITUATION DANS LES QUARTIERS EN DIFFICULTES

Intervention de Marie-Odile NOVELLI

Vice-Présidente du Conseil régional déléguée au logement, au foncier
à la politique de la Ville et à la solidarité

pour le groupe des Verts

Monsieur le Président, chers collègues,

Face aux difficultés que traverse notre pays, nous devons garder la tête
froide, prendre le temps de réfléchir.

Comment en est-on arrivé là ?

1er temps, celui de l’actualite :

Nous condamnons la révolte delinquante d’une partie des jeunes, qui est
toute aussi nuisible pour leurs proches, pour leurs voisins que pour eux-
mêmes. Nous devons chercher à comprendre sans excuser. Cette spirale a
engendré tant de degats humains et matériels de part et d’autre.

Dans une situation générale d’injustice, il a suffit d’une étincelle, une
violence verbale cette fois, les propos injurieux de N Sarkozy ajoutée à la
mort non elucidée de deux jeunes, pour mettre le feu dans les cités.
Pendant plus d’une semaine le gouvernement a été muet. Et soudain, sous
pretexte de retablir l’ordre et la cohésion sociale, il nous fait le coup
de l’état d’urgence et le coup du bouc émissaire. c’est vieux comme le
monde, sauf que d’habitude, le bouc émissaire est à l’exterieur (comme
Saddam Hussein accusé par Georges Bush). Or la, le bouc émissaire désigne
est une partie de la France elle-même. c’est socialement très destructeur.
c’est une autre forme de violence.

2ieme temps, celui du bilan gouvernemental.
Depuis 3 ans le gouvernement a
reorienté la politique de la ville autour de deux axes : la repression et
les démolitions-reconstructions.
Face a la crise du logement, les constructions sont nécessaires et la
Region les accompagne. Sauf que dans le même temps, tout le reste de la
politique de la ville a été abandonné ou drastiquement réduit : le
rattrapage social ou éducatif, la prévention, la police de proximité, les
Fonds du FASILD (pour l’integration), les emplois jeunes... bref tout ce qui
contribue a l’insertion professionnelle et au lien social.

3ieme temps, les évolutions a long terme

Pendant les 30 glorieuses, il y avait un équilibre entre l’economique et le
social. c’etait l’époque du plein emploi, du logement pour tous et des
lendemains toujours meilleurs.

A partir des annees 80, cet équilibre s’est rompu. Malgre la croissance, la
solidarite a faibli. Le néo-liberalisme s’est développe avec son cortège de
conséquences :

aujourd’hui plus de 25% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage,
parfois plus de 40% de chômeurs dans certains quartiers

il y a 3 millions de mal logés et les plus pauvres n’ont pas d’espoir de
quitter leur quartier, devenu ghettos

"les pauvres sont de plus en plus pauvres", comme l’atteste le rapport
annuel du secours catholique. Il y a moins de fils d’ouvriers qui entrent a
l’ecole polytechnique qu’il y a cinquante ans. Les inégalites sociales
augmentent. Cette situation générale d’injustice constitue une dernière
forme de violence sociale, la plus insidieuse.

Ces chiffres recouvrent une réalite humaine dont il faut prendre la mesure
et la gravité : c’est qu’il vous faut une volonté énorme pour vous
construire lorsque vous êtes adolescent et qu’autour de vous un grand
nombre d’adulte de votre entourage est au chômage, que vous habitez dans un
endroit ou personne ne veut vivre, qu’on vous demande vos papiers
d’identité au pied de votre immeuble, que votre facçn de vous habiller ou
votre couleur de peau inspire la méfiance, que reussir votre vie s’evalue
aux signes exterieurs de richesse, que votre perspective la plus simple
pour gagner de l’argent n’est pas de travailler mais de participer a
l’économie souterraine...
Certains parviennent à surmonter ces obstacles. La plupart est gagnée par
le desespoir ou la haine.

Face a ces jeunes, face aà la violence dans les quartiers, face aux
difficultes, comme toujours, il y deux attitudes possibles : la haine ou la
construction.

La haine, le ressentiment, le rejet, à l’image de ce que l’on entend dans
certains partis politiques, comme on vient encore de l’entendre à
l’extremité de l’hemicycle, ou de celle qui est à l’oeuvre dans le refus
d’un CV face a un nom aà consonance étrangere, à l’image encore de la
decision du ministre d’expulser les jeunes impliques dans ces émeutes. Je
rappelle que l’expulsion collective d’étrangers est contraire au droit
international.

Qu’elle s’exprime dans les discours politiques ou dans les brimades de la
vie quotidienne cette haine est criminelle contre la cohesion sociale.
c’est une entreprise de destruction sociale, une forme de guerre des
francais contre les francais.

Heureusement, il y a une autre posture : celle de la construction, de
l’espoir, celle qui considère que ces jeunes sont d’abord à éduquer avec
exigence et generosité. Ils sont la société de demain.

Cette attitude positive est partagée par des millions de personnes, même si
elle ne fait pas la " une " des medias. c’est ce fait que plus d’un tiers
de ces jeunes s’en sort. Il faut aller plus loin.

Ce discours d’espoir c’est celui que nous proposons.

Nous l’eéayons par cinq axes :

1er axe - il faut réduire l’arbitraire

Les sénateurs Verts demandent la mise en place d’une enquete parlementaire
sur les violences et la levee de l’etat d’urgence. Nous ne sommes pas dans
une situation de guerre mais de crise sociale profonde. Nous proposons que
l’intervention policière soit doublee de la presence dans la rue de
mediateurs. Là où les mediateurs ont noués un dialogue réel, comme dans la
banlieue grenobloise et aàClichy, les violences ont cessées.

Quant aux 100 millions accordés par le gouvernement aux associations, c’est
positif... sauf que dans le même temps, il supprime 310 millions d’euros dans
le budget 2005.

2ieme axe : - Assurer la satisfaction des besoins élémentaires

Pour que ces jeunes en difficulté puissent se construire comme des adultes
responsables, il faut qu’ils puissent accéder aux conditions matérielles
minimales de l’autonomie : un travail et un logement.
Ce sont des priorités de l’action regionale.

3ieme axe : Donner sa chance aàchacun

Pour atteindre cet objectif, il faut :
Continuer et accentuer la lutte contre les discriminations à l’embauche, au
logement, à l’acces aux soins...
Développer l’éducation par le système scolaire, mais aussi l’éducation
populaire, l’éducation tout au long de la vie (le rabaissement de l’âge de
l’apprentissage a 14 ans est une mauvaise solution), la lutte contre le
décrochage scolaire.... Il faut un lycée de la nouvelle chance dans chaque
département.

4ieme axe : s’appuyer sur les réseaux de solidarité pour renforcer la
citoyenneté

il y a dans les quartiers des liens de solidarité (entre jeunes, entre
communautés, entre parents, entre femmes, entre voisins...) et des lieux de
solidarité (centres sociaux, MJC...).
Il faut renforcer ces liens et inviter les acteurs a prendre part à la vie
publique, aux conseils de quartiers, aux conseils de developpement. Il faut
aussi donner le droit de vote aux résidents étrangers.

Il s’agit en reéme de favoriser, sans les opposer, le passage d’une
integration communautaire à une participation citoyenne.


5ieme et dernier axe : Evoluer d’une societé productiviste vers une societé
" conviviale "

Les jeunes des cités veulent, tout comme les autres, consommer davantage et
atteindre le niveau de vie des categories supérieures.

Notre societe fonctionne à l’exclusion et à la compétition. Mais, c’est
l’illusion fondamentale de l’ultra-libéralisme de croire que les relations
humaines ne peuvent etre fondées que sur des rapports de concurrence.

Il nous faut reconnaitre et promouvoir des modes de vie qui béneficient à
tous, en privilégiant notamment à la fois l’epanouissement personnel, le
bien vivre ensemble et l’engagement collectif.

En conclusion, il ne faudrait pas penser a priori que les jeunes, même ceux
des quartiers difficiles, ne peuvent pas être interessés par le sens, par
des valeurs superieures. La citoyenneté et la solidarite avec le monde, la
planète, en font partie.