Pour une juste réforme territoriale -27.12.09-

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Pour une juste réforme territoriale : quel scénario "gagnant" pour les communes et intercommunalités, pour les départements, pour les régions ?

Pour une juste réforme territoriale :

Quel scénario "gagnant" pour les communes et intercommunalités, pour les départements, pour les régions ? Je viens d’envoyer à André Vallini (député de l’ Isère, membre de la commission ad hoc : "Balladur") , qui nous en avait fait la demande, mes réflexions sur la réforme. Les voici, précédées d’un bref rappel sur la nature du projet en débat.

Qu’est ce qu’une réforme "juste" ? C’est d’abord celle qui correspond le mieux aux besoins de la société actuelle. C’est aussi celle qui est vécue comme telles par les citoyens, notamment parce qu’elle correspond aux valeurs républicaines. C’est enfin celle qui garde précieusement le meilleur de l’existant pour le dépasser, sans pratiquer la destruction aveugle.

Rappelons d’abord brièvement ce qu’est l’actuel projet de réforme :

- Création de conseillers territoriaux, communs à la région et au département, et chargés de remplacer les actuels conseillers régionaux et généraux(On passerait de 6.000 à 3.000 élus), avec une procédure de vote à un tour, comme les Conseil généraux (alors qu’aujourd’hui on élit les conseillers régionaux à la proportionnelle à deux tours).
-Institution d’une procédure de regroupement de départements et de régions.

-Création de la métropole, nouvelle catégorie d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qui comprend au moins 450.000 habitants. Avec des dérogations possibles pour les agglomérations comme Grenoble (avec élections au suffrage universel si le projet est maintenu en l’ état)

- Clarification des compétences.
La commune garde la clause de compétence générale, qui lui permet d’intervenir dans tous les secteurs.Les départements et les régions ont des compétences spécialisées avec suppression de la clause de compétence générale , c’est à dire réduction de leurs champs d’intervention

- Achèvement de l’intercommunalité avec :
- Réduction du nombre des syndicats intercommunaux,
nouvelle procédure de fusion de communes donnant naissance à une unique collectivité territoriale, la "commune nouvelle",

- Extension des compétences des communautés, en transférant certaines attributions de police du maire au président de communauté.

Il serait vain de nier la nécessité d’une réforme territoriale.

Non pas que les collectivités locales et territoriales soient responsables de l’extraordinaire gabegie financière pointée par l’actuel gouvernement :aujourd’hui, c’est l’ Etat français qui a un déficit budgétaire très important, et ce sont les collectivités qui investissent et "tirent" l’économie et non l’inverse. En effet, l’Etat est responsable d’environ 73% du déficit de la France (80% en 2010) et n’investit qu’à hauteur de 11% environ , alors que les collectivités investissent à hauteur de 90% ).

Ce qui est en question, c’est l’inadaptation de nos de nos institutions territoriales empilées depuis deux siècles. Et cet irrationalité a bien un coût, surtout en temps (pour les interlocuteurs de ces collectivités), même si certains gains sont sans doute à attendre en matière de réduction des doublons.
Mais nous nous leurrons pas : les gains liés à l’éventuelle réduction du nombre d’ indemnités versées aux élus devenus moins nombreux, sont mineurs, tant il est vrai que les indemnités des conseillers géneraux et régionaux sont infiniment moins importantes que celle des parlementaires, et que par ailleurs, si gains il y a, il faudra bien que l’on se décide à les utiliser pour réparer les injustices dont sont victimes les élus locaux : il est en effet temps de les traiter plus dignement, notamment les élus locaux des communes petites et moyennes, quasiment privés d’indemnités aujourd’hui , et de donner aux élus qui perdent ou abandonnent leur mandat des droits comparables à ceux des salariés (droit au chômage et à la reconversion professionnelle notamment). Car tous ces archaïsmes inégalitaires peu démocratiques n’honorent pas la France.

Une réforme "juste" est aussi celle qui est vécue comme telles par les citoyens.

J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi le débat public n’a pas porté d’abord sur les finalités, puis sur les objectifs, avant que ne soient livrées à l’opinion les solutions techniques. Cette mauvaise habitude française est un handicap assuré à la réalisation d’un consensus.
Pourquoi donc le débat devrait il rester une affaire de spécialistes ? La technicité est opaque pour la majorité des français, mais pas les finalités : sinon il n’y a plus de démocratie possible !

Les finalités d’une réforme :
Dans quelle mesure cette réforme permettra -t elle notamment
- plus d’équité entre les territoires,
- une représentation démocratique réelle, la plus fidèle possible du corps électoral et des citoyens vivants en France ?
- la construction la plus aisée possible de l’interêt général ?

Les objectifs d’une réforme :
Dans quelle mesure le projet permet - il :
- une plus grande lisibilité institutionnelle pour les électeurs,
-une efficacité en matière de gouvernance et de rationalisation des dépenses ?
(La liste n’est pas limitative).

Ces enjeux là ne devraient pas trouver beaucoup de détracteurs.

Ils impliquent que la réforme
- n’induira pas une régression en matière de représentation des femmes (parité) ni de représentation en terme de diversité (de sociologie, de partis politiques), etc.. permettra une plus grande équité entre les territoires, et la vision d’ensemble de l’intéret géneral dans les territoires.
D’ores et déjà le respect de ces enjeux rend caduque la proposition de scrutin majoritaire à un tour (probablement anticonstitutionnelle) pour l’élection des conseillers territoriaux. L’association des femmes élues de l’ isère a clairement et à juste titre pris position contre cet élément contraire à la parité, et, en tant qu’ élue écologiste, je m’inscris contre l’ atteinte à la diversité que constitue l’absence de proportionnelle.
Rappelons qu’aujourd’hui, grâce à la loi du 6 mai 2000, les femmes représentent 47,6 % des élus régionaux alors qu’elles ne sont en moyenne, en France que 12 % dans les Conseil généraux, là où la loi n’a pas prévu de dispositions incitatives. (8,6% en Isère).
Par ailleurs, il ne faudrait pas que la seule avancée démocratique du projet de loi : l’élection au suffrage universel des Conseillers communautaires (Métropoles et agglomérations) soit remise en question, comme on l’entends ci ou là dans la majorité présidentielle
Le respect de ces enjeux rend également problématique la mise en place exclusive de conseillers territoraux, representant une petite partie du territoire régional et une vision spécifique (partielle) de l’interêt general, lorsqu’il faut prendre en compte tout le territoire régional pour mener des politiques équitables : sur ce plan, la réforme constitue une régression par rapport au mode de scrutin régional.

Enfin, je regrette fortement l’absence de véritables propositions concernant les questions péréquation fiscale

Une réforme "juste" tire parti du meilleur de l’existant, en le transformant.

1. Pas de rigidité dans le recentrage sur les compétences spécifiques : la suppression de la clause de compétence générale ne doit être effective que si les besoins sont bien pris en compte par les autres collectivités : ainsi, le logement accessible à tous, est encore loin d’être une réalité, et dans l’état actuel des choses, le financement du logement social par l’ Etat et les agglomérations ne sera plus assuré dans quelques années. Or, il s’agit d’un droit majeur.
Par ailleurs,
l’expérience prouve que les acteurs les plus innovants tardent parfois à être reconnus par l’échelon communal, alors qu’ils peuvent avoir l’oreille de la région par exemple (je parle d’expérience) , car nul n’est prophète en son pays ; les formes d’innovations, notamment sociales , résident souvent dans les "marges", entre les politiques strictement balisées, ou à leur carrefour...L’adaptation aux besoins , à la réalité, necessite généralement souplesse et imagination..

2. Peut - on tirer un trait sur les départements ou les régions ?

- Personne n’imagine la disparition des régions, qui se sont imposées partout en Europe. Il faut au contraire leur donner les moyens dont elles sont privées en France.
- De même, le développement de l’intercommunalité avec réduction du nombre de syndicats et de communes isolées sur le territoire, conformément à ce qui existe en Europe, est necessaire. La moyenne municipale française est de 1600 habitants contre 22000 en Europe.
-Cela ne doit pas impliquer la disparition pure et simple des départements.
Celui-ci est resté un échelon de proximité (plus que la région) en même temps qu’il a la distance suffisante pour envisager des politiques globales. Il faut donc garder le meilleur de chacun des échelons, et les combiner.

Les axes de travail pourraient être ceux- ci (cf document proposé par Gérard Onesta, ex député Européen Verts) :

1.AGGLOMERATIONS
Intégrer dans les agglomérations les petites communes périphériques déjà, de fait, dans l’aire urbaine notamment économiquement ,
Fusionner les petites communes rurales sous peuplées.

Ne garder qu’un seul niveau d’intercommunalité, (pays ? agglomération ?) qui remplacerait tous les cantons, toutes les formes de communautés, y compris les actuels pays, en n’hésitant pas à passer outre les frontières départementales quand elles sont archaiques au regard du bassin de vie (1).

2. Fusion des régions et départements :
combiner proximité et vision globale,en élisant 2 assemblées le même jours, l’une garante de la proximité (par un mode de scrutin proche de celui des conseillers généraux), l’autre de la vision d’interet général global et de la diversité politique (mode de scrutin proche de celui des conseillers régionaux).
Chaque chambre aurait le même nombre de conseillers.Le nombre global de Conseillers serait réduit d’un tiers au lieu d’être réduit de moitié par rapport au total antérieur (Conseillers régionaux plus généraux). (2)
[Le nombre de régions en France diminuerait et il y aurait fusion des moins grandes ;
La 1ere assemblée, que G Onesta propose d’appeler Conseil régional citoyen, est élue au niveau régional, et au scrutin proportionnel avec prime majoritaire (3) .

La 2eme assemblée, dite "territoriale" mettant les besoins spécifiques de chacun d’eux, serait élue le même jour mais par circonscriptions (équivalents "pays", beaucoup plus grands que les actuels cantons.)
Le lieu où siègeraient les deux assemblées pourrait être distinct (utile dans les cas de regroupements de régions).
Les deux assemblées seraient placées sur un strict pied d’égalité
cliquer ONESTA

Un scénario "gagnant" pour les communes et intercommunalités, pour les départements, pour les régions, dont il serait regrettable de ne pas débattre !)

MO. Novelli
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(1) Cela permettrait, par exemple, d’envisager le rattachement du Nord isere à l’agglomération Lyonnaise

(2) Le nombre de Conseillers territoriaux serait donc en réduction par rappport à celui des conseillers géneraux , à l’inverse de celui des Conseillers "citoyens" supérieur ou indentique à celui des actuels conseillers regionaux.
(3) comme actuellement