Energie grise : 2° Rencontres Nationales 4.11.14

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Les deuxièmes rencontres de l’énergie "grise »(*), notamment dans l’habitat, se déroulaient à la Région Rhône Alpes. Je représentais le Président pour cette occasion. Un sujet complexe et pourtant passionnant, à enjeu pour les années à venir.
L’énergie "grise", comme son nom le suggère, ne se voit pas d’emblée. Elle correspond à la quantité d’énergie nécessaire pour produire un bien industriel ou un matériau. Elle est présente à la conception, au
au moment de l’extraction des matières premières, du transport, de la transformation et la fabrication
puis de la commercialisation, de l’usage et enfin au moment du recyclage. Vaste sujet !

Voici le contenu de mon intervention. Pour les informations complémentaire voir en bas de page (*).

Rencontres nationales de l’énergie grise , 4 Novembre 2014, Hôtel de Région Rhône Alpes

DISCOURS DE MARIE ODILE NOVELLI

J’ai le plaisir et l’honneur d’accueillir, au nom de la région Rhône Alpes ces 2èmes Rencontres Nationales de l’énergie grise.

Je me dois d’excuser le Président de la Région Jean-Jack Queyranne et Benoit Leclair, VP délégué à l’énergie et au climat.

C’est un honneur car c’est un sujet sujet innovant avec des potentiels très importants qu’il nous faut saisir. Comme disait Jean Monnet « Nous n’avons le choix qu’entre les changements qui nous sont imposés ou ceux que nous savons vouloir et accomplir ».
Vous êtes les pionniers de ces changements.

Aussi je souhaite rapidement vous dresser ma perception des enjeux de fond et d’action à réaliser.

Sur le fond, l’intérêt pour l’énergie grise est bien évidemment relié à l’objectif de minimisation des effets négatifs du changement climatique. Selon l’efficacité énergétique d’un bâtiment et sa durée de vie, la consommation d’énergie grise varie de de 20 à 75 kWh/m²/an, soit écart de 1 à 4.

Les enjeux de l’énergie sont bien connus :
- enjeu social, de réduction de la précarité énergétique qui concerne plus de 10% de nos concitoyens,
- enjeux environnemental qui consiste à nous passer le plus possibles des énergies fossiles et nucléaire comme nous l e rappelle la catastrophe de Fukushima et au-delà par la gestion les déchets dangereux durant des centaines de milliers d’années… et dont personne ne veut sur son territoire,
- enjeu économique, avec d’un côté un coût de la facture pétrolière de 70 Mds€ soit l’équivalent du déficit de la balance commerciale… et de l’autre le développement de l’emploi dans l’efficacité énergétique et es énergies renouvelables de substitution.

Si les enjeux énergétiques sont très importants, ils ne sont pas les seuls.

Les matériaux et les systèmes constructifs peuvent utilement intégrer d’autres aspects

- environnementaux et de santé, tels que la réduction de la pollution de l’air intérieur, l’économie d’eau, la préservation des ressources fossiles ou minérales, le réemploi permettant de générer moins de déchets, l’utilisation de ressources renouvelables, le maintien de la fertilité des terres agricoles
- économiques, avec le développement de l’emploi local non délocalisable.

Ces énumérations peuvent complexifier un sujet dont la concrétisation est déjà malaisée.

Mais il me semble important que nous ne nous enfermions pas dans des approches réductrices, monothématiques. Les problèmes que nous essayons de résoudre sont précisément déterminés par une approche économique réductrice, une approche avec des oeillères. Changer d’oeillères est inutile. Au contraire, ouvrons nos perspectives !
Suivant la façon dont nous abordons ce sujet, nous allons orienter des objectifs et des mesures.

Allons-nous privilégier des super-technologies que seules des industries puissantes pourront développer et commercialiser, qui ne seront pas réutilisables, ou recyclables et qui finiront par alimenter nos énormes centres d’enfouissement ? Ou allons-nous utiliser des matériaux simples, réutilisables à l’infini ou renouvelables, comme le bois, la paille, la terre crue, qui peuvent être mis en oeuvre par des artisans dont le nombre d’emplois est plus élevé à chiffre d’affaire équivalent, et qui embauchent des apprentis et fournissent de l’emploi aux jeunes ou même par des particuliers en auto-construction ?

Allons-nous définir des normes qui seront complexes et coûteuses à mettre en oeuvre, réservant le marché à quelques grandes entreprises ? Ou allons-nous proposer des outils simples, efficaces et robustes utilisables par le plus grand nombre ?

Le rôle des pouvoirs publics, et singulièrement du niveau européen, du ministère du développement durable et du CSTB, est important.
Ces institutions doivent viser l’intérêt général et rester indépendantes des lobbies qui ont les moyens de se payer des avocats. La Région peut relayer d’éventuelles interpellations à ce sujet.


J’ai identifié plusieurs enjeux de fonds intégrant et dépassant l’énergie.
Ce n’est pas que je souhaite mettre la barre trop haute, empêchant ou disqualifiant toute réalisation. Je souhaite simplement que nous soyons conscients de nos choix et que nous essayions de faire du mieux possible.

En matière d’énergie grise, nous sommes encore dans le temps de l’expérimentation, le temps où chacun invente des solutions, avec des outils de mesure nombreux, où les méthodes sont encore en recherche, où plusieurs sont disponibles. C’est un temps de recherche.

A ce moment de « l’histoire » des énergies grises je pense que nous devons prêter attention à trois choses :

- d’abord, continuer à faire, même si c’est un peu brouillon et imparfait. Pour démontrer que c’est possible. Pour convaincre nos concitoyens et leur donner envie. Soulignons la belle exposition du CAUE de l’Isère à ce sujet.

- ensuite, comparer et connaître pour déterminer les meilleures solutions et réduire les coûts : ainsi, nous savons déjà qu’il vaut souvent mieux rénover que construire, que les matériaux végétaux sont moins énergivores que les minéraux, eux-mêmes bien meilleurs que les plastiques et les métaux. Bref, qu’il faut inverser l’ordre des priorités d’usage des matériaux. Les réunions comme celle que nous tenons, sont précisément des moments de confrontation et permettent à chacun de nous de mieux connaître les meilleures solutions. Le recours aux matériaux bio-sourcés reste aujourd’hui un peu plus cher, de l’ordre de 5 à 10%. C’est un écart équivalent à ce que l’on constatait il y a une dizaine d’année pour ce qui concerne la performance énergétique. Par exemple lorsque nous avons mis en place à la Région le référentiel logement social qui avait -notamment- pour objectif d’avoir une réglementation thermique d’avance Pour certains c’était un obstacle insurmontable. Pour d’autres, il fallait relever le défi de la baisse des coûts par des économies d’échelle et par l’amélioration des savoir-faire. Aujourd’hui, la question ne se pose plus. Le BBC est devenu obligatoire dans le neuf. C’est à cette même attitude d’engagement, de recherche, de mobilisation que je nous encourage.


- enfin, contribuer à structurer les filières : Nous le savooens bien. Le processus de rénovation ou de construction d’un bâtiment intègre de multiples acteurs. Nous devons raisonner en termes de chaîne économiques. Avec, les maîtrises d’ouvrage, les maîtrises d’oeuvre, les maitrises d’exécution, les fournisseurs de matériaux, la recherche, la formation des différents intervenants… Notre intérêt collectif est que chaque catégorie d’acteurs progresse dans ce domaine. Nous constatons en matière de rénovation un fourmillement d’action mais aussi une grande dispersion des énergies et des financements. L’enjeu est de travailler ensemble, de nous mettre en relation, de créer des synergies.
Cette mise en relation des acteurs doit se faire à la fois au niveau national et local. En Isère aujourd’hui, la construction en bois connaît un essor qui résulte de l’amélioration de la qualité du bois fourni par les scieries, la préfabrication de matériaux de construction, de maîtres d’oeuvre et d’entreprises qui se sont formées, et la sensibilité des maîtres d’ouvrages, en particulier communaux.


La Région prend une part dans ce mouvement d’expérimentation, au titre de la politique de l’habitat, de l’énergie et de l’environnement avec plusieurs dispositifs :

Au titre de la politique de l’habitat :
• - un soutien à l’innovation par une aide à l’investissement pour des opérations de logements à vocation sociale

Au titre de la politique de l’énergie, plusieurs dispositifs :
• - un soutien aux filières paille et terre crue (structuration de l’offre, formations, bonnes pratiques) et soutien filière bois par la politique agricole et de développement rural
• Les Appels à Projet Effinergie + et Deffibat, qui visent la rénovation énergétique des bâtiments et qui demandent de faire des études portant sur l’énergie grise et apportent un soutien financier
• - EN PROJET : le lancement d’un Appel à Manifestation d’intérêt sur la construction ou la rénovation de bâtiments collectifs éco-conçus
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La Région, par l’intermédiaire de ses élus et de ses services présents aujourd’hui, reste à l’écoute de vos suggestions.

En conclusion, je dirai que le chantier qui nous attend est enthousiasmant. Par ses implications sur la santé, l’emploi, y compris en milieu rural, la réduction des pollutions, le bons usage des ressources naturelles, il recèle de précieux effets leviers. A nous de les actionner !

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(*) EN SAVOIR PLUS : Ces 2eme rencontres étaient organisées par Créabois Isère,le Réseau Fibra, le CAUE Isère et l’Union Régionale des CAUE de Rhône-Alpes, elle étaient soutenues par la Région et le Conseil général de l’Isère.

Programme : http://www.ageden38.org/wp-content/uploads/creabois_energiegrise_flyer_10-1.pdf

Dossier : en attendant que les interventions soient mises en ligne, voir notamment le dossier de Negawatt dont le président Thierry SALOMON étai,t pour les assises, le « grand invité »

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