Alstom-General Electric : la CEE perdante, par P. CANFIN Juin 2014

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Alstom-General Electric : le vrai vainqueur Bouygues, le vrai perdant la
communauté européenne de l’énergie


Alstom-General Electric : le vrai vainqueur Bouygues, le vrai perdant la
communauté européenne de l’énergie

Par Pascal Canfin, ancien député européen écologiste, ancien ministre EELV et ex journaliste économique, Conseiller au World Ressources Institute (d’après le Nouvel Obs. et le Figaro).

"La machine à communiquer tourne à plein régime. La proposition du
Gouvernement sur l’accord Alstom-General Electric serait un « retour de
l’Etat » et une victoire du « patriotisme économique ».
Qu’en est il
vraiment ?

L’Etat va t il vraiment investir dans Alstom ?
Non, il va simplement
racheter les parts de Bouygues qui souhaitait se désengager du capital
de l’industriel. Il n’y a donc aucun euro supplémentaire permettant à
Alstom d’investir, d’innover, de créer des emplois.
En revanche il y a
bien 1,7 milliards dans les caisses de Bouygues. Et 1, 7 milliards à
trouver pour l’Etat, qui pourrait du coup vendre une partie de sa
participation dans EDF. Ce qui renforcera la tendance déjà très présente
d’EDF à prendre ses décisions non pas en fonction de l’intérêt général
de long terme mais de l’évolution de son cours de bourse à court et
moyen terme.

Est-ce une victoire du « patriotisme économique » ?
Nous nous retrouvons
aujourd’hui dans la situation d’une alliance germano-japonaise
(Siemens-Mitsubishi) d’un côté et américano-française de l’autre. S’il y
a bien une certitude c’est que la communauté européenne de l’énergie a
pris aujourd’hui un coup qui pourrait s’avérer mortel ! Or, si l’on se
projette dans les années et décennies qui viennent, pour faire face de
manière autonome sur le plan géopolitique aux grands enjeux énergétiques
notre avenir passe par la construction de champions européens, comme
nous l’avons fait par ailleurs dans l’aéronautique. L’accord
d’aujourd’hui n’est donc en rien patriote puisqu’il signe sans doute la
mort de l’un des rares projets qui auraient pu renforcer notre poids
stratégique dans le monde.

Enfin, Arnaud Montebourg explique aujourd’hui que les règles de la
concurrence européenne auraient empêché l’alliance avec Siemens. Cela
ressemble plus à un alibi qu’à un véritable argument. D’une part, il est
quand même très peu probable que personne chez Siemens n’ait pensé à cet
argument dès le début du dossier ! Ce qui ne les a pas empêché de
déposer une offre sérieuse. Et d’autre part, les mêmes règles de la
concurrence pourraient être contournées par l’entrée de l’Etat au
capital d’Astom ce qui n’empêche pas Arnaud Montebourg de s’engager dans
cette voie.

Au final l’accord sur Alstom fait un vrai gagnant, Bouygues, et un vrai
perdant : notre capacité à gérer notre avenir en européen."